L'oeuvre de Paul Ricard

Le Domaine de Méjanes : Ambassadeur de Camargue dans le Monde

Paul Ricard, ambassadeur du riz de Camargue

Libération ! 
Au-delà du bonheur immense d’être enfin libres, il faudra du temps pour que la vie économique reprenne.
Entre autres, l’interdiction de produire et vendre ou consommer de l’alcool à plus de 16° n’est pas levée. Elle ne le sera pas avant longtemps… L’agriculture à Méjanes doit donc devenir une activité rentable, non plus pour uniquement palier aux besoins de nourriture, mais pour faire vivre pleinement chacun des ouvriers de la société.
L'une des solutions serait de développer la production et la vente de riz de Camargue.
C’est là que pour la deuxième fois, le Domaine de Méjanes est au devant de la scène. Avec le soutien du manadier Sol et de son ami de cœur, Philippe Lamour, Paul Ricard parvient à estomper la peur des camarguais, que leurs étendues sauvages destinées à l’élevage des taureaux et des chevaux ne disparaissent au profit de l'agriculture. 
Le matériel agricole enfin adapté, est livré à Méjanes. Les « grands travaux » peuvent reprendre.
Produire assez de riz pour en faire une activité viable est une chose. Trouver les clients pour l’acheter en est une autre.
Parce que consommer ce féculent n’est pas encore dans les habitudes des français, il faut faire découvrir le riz de Camargue à tous. Lui faire sa place dans le quotidien de chacun. Nouvelle aventure. Passionnante.
C’est ainsi que les hommes politiques, les « décideurs », les journalistes, les professeurs… sont invités au Domaine de Méjanes pour découvrir et goûter son riz.
C’est ainsi aussi, que le riz de Camargue est offert et servi aux passagers de la Compagnie Transatlantique, est dégusté à la table de restaurants étoilés comme un produit de choix, est présenté à la Sorbonne par l’éminent professeur de Pomiane… et que de multiples recettes sont éditées et partagées.
C’est à cette époque là, que Paul Ricard part aux États-Unis.
Il y découvre les pratiques agricoles et le fonctionnement socio-économique. Il visite avec émotion, l'usine d'Henri Ford dont il est un admirateur. Paul Ricard citera d'ailleurs régulièrement l'entrepreneur américain : " Enlevez-moi mes usines mais laissez-moi mes hommes et je recommencerai". 
Paul Ricard rentrera en France avec une énergie décuplée. Avec de nouveaux défis pour sa société et un rôle de Star pour Méjanes…


Paul Ricard, producteur de cinéma

« En 1950, je suis reparti d’en dessous de zéro sans que personne s’en soit aperçu ».
La vie de Paul Ricard est comme un film de cinéma. Mais en vrai. Voici la suite…Marcel Pagnol est un grand ami de Paul Ricard, de la famille. Une grande et belle correspondance épistolaire entre les deux hommes en témoigne.
A chacun de ses périples en Italie, en Corse,… il cherche des plumes Sergent-Major à rapporter à l’écrivain. Qui n’utilise pour son art, exclusivement que des plumes. Bien des années plus tard, alors étudiante à Paris, Michèle Ricard déjeune chaque dimanche chez Marcel Pagnol. Et chaque dimanche elle entend « Assis toi petite, je vais te raconter une histoire ». Avec son chat, couché sur la pile de livres posée sur le bureau, elle écoute cet orateur fabuleux des heures durant. Fascinée.
Début des années 50 donc, Marcel Pagnol vend ses studios de cinéma à Marseille.
L’opportunité pour Paul Ricard, d’investir dans sa passion de petite garçon - sans doute renforcée par son séjour aux États-Unis.
C’est à ce moment là que Paul Ricard devient le premier producteur de films de cinéma en Gevacolor en France. Et que le Septième Art fait son entrée au Domaine de Méjanes avec La Caraque Blonde, réalisée par Jacqueline Audry.
L’un des premiers films de cinéma tourné en Camargue. L’une des seules femmes réalisatrice de l’époque.
Le tournage prend des mois. En plein hiver. Il fait très froid. Y participent de nombreux gardians de la région. Ainsi que tout le personnel de Méjanes. L’héroïne, Tilda Thamar, est une actrice argentine d’une beauté et d’une sensualité inouïe. Le film raconte en Camargue, deux familles qui s’opposent. La première, les manadiers. La seconde, les riziculteurs. Un ingénieur qui arrive de la ville avec une gitane, La Caraque Blonde … A la fin tout le monde se réconcilie et se marie. Un message envoyé par Paul Ricard à travers ce film, aux manadiers préoccupés par l’avancée des riziculteurs. L’espoir que tout le monde peut vivre ensemble et même s’entraider.
Un second film est tourné à Méjanes. La Loi de la Poudre, un western dans lequel on voit des femmes armées de revolvers. Paul Ricard est un féministe. Aussi. Plus tard, d’autres tournages seront réalisés à Méjanes. Avec des acteurs français bien connus. Nous en parlerons plus tard…
Ce matin, c’est Michèle Morgan, qui chevauche sur les bords du Vaccarès, aux côtés de ma grande sœur Betty. L’actrice aux yeux bleus légendaires laissera un mot plein d’émotion à son départ du Domaine.
Christian Plume a organisé sa venue. Pour le tournage d’un reportage destiné à la télévision. Christian Plume est talentueux. Écrivain, journaliste, animateur de radio et scénariste. Descendant de sept générations d’éleveurs de chevaux et de taureaux. 
Brillant ambassadeur de la Camargue. Et de Méjanes.



Paul Ricard et la Camargue au Vatican

Nous sommes en 1961. Michèle Ricard a 13 ans cette année là. Et elle s’apprête à vivre l’une des plus belles aventures de sa vie.
Fin des années 40, Paul Ricard avait rencontré aux Saintes Marie de la Mer, Mgr Roncalli. A l’époque nonce apostolique, il avait présidé le pèlerinage des gitans. Paul Ricard et lui s’y étaient rencontrés et avaient sympathisé.
Quelques années plus tard, Mgr Roncalli est élu Pape. Et devient Jean XXIII. Paul Ricard adresse un télégramme de félicitations au souverain pontife. En 1961, il lui accorde audience pour Pâques. Il organise alors un voyage à Rome avec l’ensemble du personnel de la société mais pas que… !
Parmi les 1 200 invités de Paul Ricard, des gardians, des manadiers et la reine d’Arles, la ravissante Henriette Bon, accompagnée de ses demoiselles d’honneur. 10 chevaux Camargue et 1 agneau sont aussi du voyage.
3 trains sont affrétés pour l’occasion au départ de Marseille et de Paris.
Au petit matin de l’audience, Michèle Ricard rejoint les arlésiennes dans leur chambre d’hôtel. Pour la première fois, elle porte le costume. Quelle fierté de représenter la Camargue qui leur est si chère. En être les ambassadrices à Rome. Au Vatican ! Puis, imaginez… leur procession derrière les tambourinaires en blanc et taîole rouge, et les Arlésiennes qui suivent à pied les gardians, trident en main.
L’ami d’enfance de Michèle Ricard, Christian Laurenti, la conduit à cheval. En croupe.
Arrivée place Saint Pierre, Michèle Ricard a l’impression d’être dans un décor de cinéma. L’émotion la submerge. Totalement.
Ils sont reçus par le Pape.
Paul Ricard lui offre, en plus d’une belle ambulance pour le Vatican, l’agneau pascal. Un autre cadeau plus personnel semble toucher sincèrement Jean XXIII, l’album photo de sa venue aux Saintes Marie de la Mer en 1948…
Michèle Ricard aperçoit sous sa soutane sa pantoufle rouge. Ce qui l’amuse beaucoup. La mythique Pantoufle Papale en vrai. 
Puis ils sont accueillis au Capitole, puis au palais Farnèse, puis à la Villa Bonaparte,… ils organisent des jeux provençaux.
Un séjour hors du temps. Un moment de partage inouï. Les Ricardiens et la Camargue réunis dans la cité éternelle.
Pour clôturer leur séjour à Rome, Paul Ricard organise un dîner de gala . 1 500 personnes y sont conviées dans la grande salle à manger en marbre du Palais des Congrès de Rome. Le discours de Paul Ricard est fort. Émouvant. Et sa conclusion, sa conviction intime.
«C’est l’Homme qui est important. Pas le capital ».