Nous sommes en 1972
Cette année là, Paul Ricard embauche un nouveau régisseur pour Méjanes. Il s’agit de Pierre Guillot.
Ce que cet homme aime par-dessus tout, c’est optimiser l’agriculture et donc la gestion des domaines. Il a déjà à cette époque une belle expérience dans le secteur.
Sa grande capacité de travail et son sens du devoir sont impressionnants.
Son sang froid et son charisme imposent le respect. L’expression « Solide comme un roc » lui sied à merveille.
Il s’installe sur le domaine avec son épouse Antoinette et leurs 5 enfants (Isabelle, Anne, Xavier, Marie-Pierre et Eugène).
Début des années 70, le tourisme fonctionne bien à Méjanes avec le Petit Train, la Balade à cheval, les animations dans les arènes, les deux restaurants,…
En revanche, les rizières sont en mauvais état, peu entretenues et le sel reprend ses droits, asphyxiant les productions agricoles. La première grande mission du régisseur est donc lancée. Refaire les rizières, refaire les nivelés, creuser, repiquer,… Puis reprendre les vignes comme les vergers, très attaqués par le sel, entretenir les prairies pour le bétail géré lui par Ramon Gallardo.
Ensuite Pierre Guillot organise la plantation de fenouil et de réglisse en grande quantité. Malheureusement la réglisse impose une récolte manuelle trop onéreuse. Le fenouil lui, attire de façon insensée tous les moustiques de la région… Le riz reste donc la production agricole première sur les 300 hectares cultivés du domaine, en plus du blé tendre, du blé dur, du tournesol, du maïs,…
Les semaines en période de chasse, Pierre Guillot reçoit les clients de la société Ricard. Le dimanche il reçoit les personnalités que lui confie Paul Ricard. Il les accompagne dans leurs parties de chasse, leur raconte le domaine et la Camargue... Antoinette Guillot quant à elle, prend soin de l’intendance et des plaisirs des épouses, en particulier du shopping et des sorties culturelles à Arles. De cette période, madame Guillot raconte…
« Un jour, monsieur Ricard invite à Méjanes l’amiral William, de la flotte américaine et son épouse. Ils restent quelques jours pour se reposer et profiter de la région. A leur départ, son épouse me confie qu’elle n’avait pas vu son mari aussi serein et souriant depuis des années… elle nous remercie vivement pour toutes nos attentions et le bien être éprouvé sur le Domaine. Quelques mois plus tard, mon mari reçoit un courrier des États-Unis, une invitation officielle à la Maison Blanche à l’occasion d’une cérémonie d’investiture à laquelle l’amiral William nous conviait !
La Maison Blanche ! Mon mari me dit posément qu’il est absolument hors de question de quitter Méjanes pour un séjour pareil. Pour la Maison Blanche ou pour toute autre occasion de plus de quelques heures, hors de question de quitter Méjanes. Mon époux est très attaché à cette terre, attaché à cette famille, à monsieur Ricard, plus que tout. Rien n’est plus important que le bon fonctionnement du domaine et la confiance que met en lui Paul Ricard. Monsieur Ricard le lui rend bien. Sans jamais en avoir parlé avec mon époux, Il y a entre ces deux hommes de caractère, un respect immense il me semble, mêlé d’une admiration réciproque, qui donne à mon mari, une force inébranlable pour la réussite des projets qui lui sont confiés ».
Parce que Pierre Guillot n’est jamais rassasié de travail, il intervient également régulièrement par ses conseils et son savoir-faire sur d’autres domaines acquis par Paul Ricard. En région parisienne il débroussaille les forêts, en Charente il gère les vignobles, aux Embiez il fait creuser l’étang,…
En parallèle de son travail pour Paul Ricard et en accord avec lui, Pierre Guillot s’engage avec une détermination sans faille comme à son habitude, dans le développement de la filière de la riziculture. Développement français tout d’abord, en 1979. Pour cela, il fédère tous les producteurs de riz en Camargue et crée le Centre Français du Riz dont il devient le Président. La ville d’Arles met à disposition de la nouvelle institution, le mas du Sonnailler. La riziculture du Domaine de Méjanes mais aussi des autres exploitations en Camargue deviennent rapidement un « centre de laboratoire du riz » pour tous les producteurs, scientifiques et chercheurs dans la filière. L’Espagne, l’Italie, la Grèce s’empressent d’envoyer leurs représentants sur place pour mieux comprendre et acquérir des nouvelles méthodes d’exploitations.
Les échanges se poursuivent ainsi, les connaissances s’approfondissent.
Pierre Guillot devient à cette époque Président européen de la riziculture, il multiplie ses conférences et la promotion du riz auprès du gouvernement français au ministère de l’agriculture ainsi qu’au parlement européen à Bruxelles. A chacun de ses départs pour ces grands rendez-vous, on le voit charger quelques caisses de riz dans le coffre de sa voiture pour le faire ensuite goûter aux décideurs éminents… et en faire de bons ambassadeurs.
Pierre et Antoinette Guillot ont deux fils. Xavier l’aîné et Eugène son cadet.
Ils grandissent comme leurs sœurs, sur le domaine, et deviennent à leur tour agriculteurs à Méjanes, gérants de leurs sociétés aux côtés de leurs enfants, qui exploitent à Méjanes le Petit Train, l’agriculture et la Balade à cheval.
Xavier nous confie quelques souvenirs…
« Chaque année un peu avant noël, nous partons avec mon père et mon frère chargés d’anguilles et de riz de Méjanes, passer une journée avec Monsieur Ricard dans sa demeure de la Tête de l’Évêque à Signes. Nous attendons chaque fois ce jour avec excitation. Autour de la table, Monsieur Ricard nous pose de nombreuses questions sur les évolutions, les travaux, les projets réalisés à Méjanes. Il s’intéresse à tout, de façon détaillée, avec une grande bienveillance pour nous tous. Nous découvrons chaque fois, les derniers modèles d’équipements technologiques qui nous ébahissent… comme les caméras derniers cri, les appareils photos,…
Avec Eugène, nous aimons les taureaux. Mon père lui, n’a aucune accointance avec eux. Un dimanche de 1975, nous jouons à la loterie organisée comme chaque dimanche au restaurant de Méjanes. Ce jour là, nous gagnons une vache ! Qui fait vite des petits… nous racontons cette grande nouvelle à Monsieur Ricard, qui dans un élan d’enthousiasme déclare que donner le nom de manade Paul Ricard à notre petit élevage le ravirait. Mon père n’est pas d’accord… le visage de Paul Ricard s’assombrit et il répond à Papa : « Qui est le patron ici ? ». Voici comment, à 12 ans, nous avons démarré notre élevage de taureaux avec mon frère ! ».